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« Un enseignant-chercheur n'est qu'un éternel étudiant exigeant ! »
« Un enseignant-chercheur n’est qu’un éternel étudiant exigeant ! »
Ingénieure en électronique de formation, Naouel Kaci enseigne à l’IPSA Paris auprès des étudiants de la 1re à la 4e année depuis 2012. Également chercheuse, elle a obtenu le grade de Docteure de l’Université de Lille pour sa thèse « Analyse structurelle et diagnostique robuste des actionneurs électromécaniques : approche Bond Graph » le 24 novembre dernier. L’occasion d’en savoir plus sur ses travaux, son domaine d’expertise et ses passions pour l’électronique comme l’aéronautique.
Naouel Kaci lors de la soutenance de sa thèse
Qu’enseignez-vous aux IPSAliens ?
Naouel Kaci : En 1re année, j’enseigne l’électrocinétique, une introduction à l’électronique à travers l’étude des déplacements des courants dans les circuits électriques. C’est un cours très important puisqu’il donne à l’élève les compétences nécessaires qui lui permettront par la suite de maîtriser les systèmes électroniques et électrotechniques – étudiés en 2e et 3e années –, mais aussi d’appréhender les systèmes mécatroniques – c’est l’objet d’un des cours de 4e année – et ainsi comprendre comment de nombreux phénomènes physiques peuvent être décrits en phénomènes basiques.
Quand a commencé votre projet de thèse ?
Il a débuté en 2017. En effet, je m’étais approchée de la direction de l’IPSA pour manifester mon souhait de faire une thèse. Une opportunité s’est alors présentée dans le domaine de l’aéronautique en collaboration avec un industriel français spécialisé dans les bancs d’essais : la société CERTIA et CRIStAL (Centre de Recherche en Informatique, Signal et Automatique de Lille), un grand laboratoire rattaché à l’Université de Lille et associé au CNRS. La direction a logiquement validé ce projet et ma demande, l’IPSA ayant toujours eu pour objectif de créer une synergie entre chercheurs et enseignants. L’école a d’ailleurs conscience depuis longtemps qu’un enseignement de qualité passe aussi par une recherche assez poussée dans tous les domaines de l’aéronautique et du spatial. Ma thèse a donc été un cofinancement entre CRIStAL et l’IPSA. J’ai ainsi été encadrée par le professeur Belkacem Ould Bouamama, directeur de recherche de l’équipe PERSI (pour PERennisation des Systèmes Industriels), du côté de CRIStAL et co-dirigée par le professeur Islam Boussaada du côté de l’IPSA. Et pendant ces trois années consacrées à ma thèse, j’ai été déchargée en enseignement pour me concentrer entièrement à mes thématiques de recherche.
Comment peut-on résumer ce qu’est l’approche Bond Graph, au cœur de votre thèse ?
Il faut savoir que les actionnements au sein d’un avion ont longtemps été des actionnements hydrauliques. Or, depuis un certain temps, l’industrie aéronautique tend à s’orienter davantage vers des technologies plus propres. Cette tendance fait que les réseaux d’actionneurs hydrauliques classiques sont de plus en plus remplacés par des réseaux d’actionneurs électro-mécaniques. Toutefois, la sûreté du fonctionnement imposé dans le domaine aéronautique nécessite une détection et une localisation précoces des défaillances pour assurer la stabilité comme la disponibilité de l’actionneur. C’est là qu’intervient l’approche Bond Graph. Cette approche pluridisciplinaire permet de modéliser les systèmes multi-physiques d’une part et de réaliser leur diagnostic d’autre part. Cette thèse m’a ainsi permis d’explorer un domaine de recherche très intéressant. Je souhaite d’ailleurs poursuivre mes travaux de recherche en partenariat avec CRIStAL et vais également animer un nouveau cours dès la prochaine rentrée à l’IPSA sur cette thématique.
Pourquoi êtes-vous passionnée par l’électronique ?
L’électronique – ou ce qu’on a pour habitude de nommer le « domaine système » – est un sujet très intéressant car avant tout pluridisciplinaire. Cela demande des compétences en informatique, en étude de circuits ou encore en mathématiques… Tous mes domaines de prédilection en fin de compte ! Jeune déjà, j’adorais les mathématiques. Puis, quand j’ai découvert l’informatique, j’ai trouvé ça également passionnant de pouvoir faire réaliser des choses à un micro-processeur, à une électronique programmable… Et l’enseignement n’a fait que renforcer mon intérêt. D’ailleurs, je ne fais pas de l’enseignement par défaut, mais bien par conviction. À mes yeux, un enseignant est d’abord une personne qui aime apprendre tout au long de sa vie. Être diplômé n’est, pour moi, pas une finalité, mais bien le début de quelque chose d’autre. Et pour enseigner comme pour faire de la recherche, il faut être curieux, avoir l’humilité de chercher à comprendre, vouloir établir des collaborations avec des chercheurs ayant plus d’expérience et ensuite avoir l’envie de transmettre ce bagage aux élèves. Moi, j’espère que mes élèves puissent faire encore plus que ce que j’ai pu réaliser pour ensuite atteindre leurs objectifs en intégrant de grandes entreprises aéronautiques.
Le banc d’essai de l’actionneur électro-mécanique, dans l’atelier CERTIA, objet de la thèse de Naouel Kaci
L’aéronautique vous passionne également.
Bien sûr ! Je considère même que travailler à l’IPSA est une réelle chance. Ici, je peux appliquer mes connaissances, mon savoir-faire et mes thématiques de recherche à un domaine qui touche absolument tout le monde, celui du transport et de l’aéronautique en particulier. Je pense que chacun d’entre nous ne peut être qu’impressionné quand il voit passer un Airbus A380 dans les airs. Et j’essaye de cultiver cette passion dès la 1re année : quand je donne un mini-projet aux étudiants, je l’oriente tout de suite vers l’aéronautique afin qu’ils puissent comprendre que la sûreté de fonctionnement d’un système d’un tel appareil commence au départ avec des composants basiques. Un avion est composé à 80 % de systèmes embarqués. Il y a donc de quoi faire et beaucoup de débouchés dans le domaine systèmes pour nos étudiants. D’où la nécessite de développer également différents axes de recherche autour de ce sujet, sur le diagnostic évidemment, mais pas seulement. C’est comme ça que nous pourrons continuer à offrir à nos élèves une formation de qualité correspondant aux attentes des industriels.
Et qu’est-ce qui vous plaît dans la recherche ? La curiosité ?
C’est la remise en cause. Quand vous faites de la recherche et que vous comptez publier vos résultats, vous les soumettez d’abord au regard de vos pairs. Ce temps d’attente, pour une acceptation ou une demande d’éclaircissement, est particulièrement stimulant. C’est d’autant plus intéressant si vous êtes enseignant car, d’’ordinaire, c’est vous qui attribuez une note et évaluez les élèves. La recherche vous permet d’être évalué à votre tour et je trouve ça génial. Au fond, un enseignant-chercheur n’est qu’un éternel étudiant… exigeant !
Vous enseignez à l’IPSA depuis de nombreuses années. Quels traits de caractère partagent les IPSAliens selon vous ?
Deux choses me viennent tout de suite à l’esprit : leur passion et leur bienveillance. En tant qu’enseignante, je travaille dans d’excellentes conditions et c’est un bonheur de se rendre tous les matins à l’IPSA. Que ce soit lors des cours ou des projets qu’on leur propose, les IPSAliens laissent toujours transpirer leur passion de l’aéronautique et un intérêt réel pour le sujet. Si, en toute humilité, on peut contribuer à leur apprendre de nouvelles choses et à répondre à leurs questions pour les former dans ce domaine, c’est toujours avec un grand plaisir ! Et, au-delà de cette passion, tous sont aussi très respectueux des enseignants et de la hiérarchie. Il peut m’arriver de reprendre un élève en cours, bien sûr, mais ce dernier viendra toujours de lui-même présenter ses excuses avant de quitter la salle. Et ça, c’est extraordinaire pour un enseignant.
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